L’Afrique regorge de talents. C’est un fait. Que ce soit la puissance de l’afrobeats, l’explosion de Nollywood, ou la montée en puissance de jeunes studios de jeux vidéo, le continent est un réservoir de créativité inépuisable. Pourtant, ces industries peinent à grandir, enfermées dans des frontières administratives, freinées par un manque de financements et limitées par une infrastructure numérique encore inégale.

C’est là qu’entre en scène la ZLECAf (Zone de Libre-Échange Continentale Africaine), un ambitieux projet d’intégration économique. L’objectif ? Supprimer les barrières tarifaires, fluidifier les échanges et créer un marché unique de plus d’un milliard de consommateurs.

Mais peut-elle réellement booster les industries culturelles et créatives (ICC) africaines ? Quelles sont les opportunités, les défis et les réformes nécessaires pour que l’Afrique tire pleinement profit de sa richesse culturelle ? Décryptage.


📜 Avant-propos : Un vieux rêve africain devenu réalité

L’idée d’intégrer l’Afrique n’est pas née d’hier. Dès 1963, les pères fondateurs de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) appelaient à l’intégration économique du continent. En 1991, le Traité d’Abuja pose les bases d’une future communauté économique africaine.

Mais c’est seulement en 2018, à Kigali, que 44 pays signent l’accord de la ZLECAf. Rapidement ratifiée, elle entre officiellement en vigueur en 2021. Aujourd’hui, 54 des 55 pays africains l’ont signée, faisant de la ZLECAf la plus grande zone de libre-échange au monde en nombre de pays.

Indicateurs clés de la ZLECAfValeurs
Pays membres54 sur 55 États africains
Population totale1,4 milliard d’habitants
PIB combiné3 400 milliards de dollars
Barrières tarifaires supprimées90 % des lignes tarifaires
Objectif finalMarché unique africain

🔹 Pourquoi c’est crucial pour les ICC ?
Parce qu’aujourd’hui, le commerce intra-africain des biens et services culturels est inférieur à 5 % du commerce total africain (UNCTAD, 2020). Comparé aux blocs commerciaux comme l’Union Européenne où le commerce interne atteint 67 %, le retard est frappant.


🎭 La promesse : Un nouveau souffle pour la culture

Si la ZLECAf tient ses promesses, voici ce que l’on pourrait voir émerger dans un futur pas si lointain :

1️⃣ Un accès plus large à un public continental

Aujourd’hui, un artiste congolais peut plus facilement signer avec un label européen qu’avec un label sénégalais. Pourquoi ? Parce que le commerce culturel intra-africain est davantage freiné par les barrières réglementaires et tarifaires qu’avec l’extérieur.

  • Finies, en théorie, les frontières étriquées. Les artistes sénégalais ou kényans pourraient planifier des tournées jusqu’au Cap, Abidjan ou Le Caire sans trop de casse-tête douaniers.
  • Les droits de douane sur les instruments de musique, la vidéo ou les équipements scéniques chuteraient (jusqu’à 90 % de lignes tarifaires concernées), ce qui baisserait le coût de production d’un concert ou d’un film.
  • Les plateformes de distribution africaines pourraient s’échanger plus facilement les catalogues et toucher une audience plus large sans dépendre uniquement de YouTube, Netflix ou Spotify.

2️⃣ Des économies d’échelle bienvenues

Qui dit marché plus vaste, dit aussi plus de débouchés et plus d’arguments pour convaincre des investisseurs.

  • Une production cinématographique plus intégrée permettrait de réduire de 30 % les coûts des films tournés en Afrique (BAD, 2022).
  • En clair, plus de labels, plus de plateformes de streaming locales et la possibilité de faire émerger nos propres géants de la distribution culturelle.
  • La structuration de l’industrie musicale africaine pourrait générer plus de 500 millions de dollars en nouveaux revenus d’ici 2030, selon l’IFPI.

3️⃣ Un élan pour l’emploi

Selon certaines estimations de la Banque africaine de développement, l’essor des ICC grâce à la ZLECAf pourrait générer entre 4 et 6 millions de nouveaux emplois d’ici 2030.

  • Pas seulement des musiciens ou des acteurs de cinéma, mais des métiers indirects : managers, techniciens du son, développeurs d’applications, designers, distributeurs de contenu numérique.

🚧 Le caillou dans la chaussure : la mobilité et les visas

C’est bien joli sur le papier, mais le nerf de la guerre pour les artistes, c’est la mobilité. Aujourd’hui, circuler entre pays africains, c’est parfois une odyssée.

ProblèmeImpact
Coût moyen d’un visa60 à 120 USD (Africa Visa Openness Index, 2022)
Taux d’annulation de tournées intra-africaines30 % des projets annulés faute de visas ou de coûts excessifs (Fonds Africain pour la Culture, 2020)
Perte moyenne pour un festival annulé50 000 à 100 000 USD (BAD, 2021)

Si la ZLECAf n’aborde pas directement la question des visas, elle s’accompagne d’un Protocole sur la libre circulation qui, s’il était pleinement appliqué, réduirait de 40 % les coûts administratifs liés aux déplacements artistiques.


📉 Scénario catastrophe : Et si on ne fait rien ?

Si l’Afrique ne capitalise pas sur la ZLECAf, voici ce qui risque d’arriver :
Toujours plus de fuite des talents : les artistes continueront à chercher du succès à l’international faute de structures solides chez eux.
Développement inégal : l’Afrique anglophone (Nigeria, Kenya, Afrique du Sud) dominera, laissant l’Afrique francophone à la traîne.
Absence de souveraineté numérique : les géants occidentaux capteront l’essentiel des revenus culturels africains.


🔑 Conclusion : La ZLECAf, un tournant stratégique pour la culture africaine

La ZLECAf peut changer la donne, mais à une condition : accompagner cette libéralisation économique avec des politiques ambitieuses sur la mobilité, les infrastructures et la protection des droits d’auteur.

L’Afrique a le talent, l’histoire et la créativité. Ce qu’il lui manque, c’est une infrastructure adaptée pour monétiser cette richesse culturelle. La ZLECAf pourrait être le tremplin, à condition d’en faire un véritable outil de transformation économique et culturelle.

🎶 L’Afrique est prête. Reste à savoir si elle se donnera les moyens de sa propre révolution culturelle. 🚀


📚 Sources et références

  1. UNESCO (2022) : Industries culturelles et créatives en Afrique.
  2. Banque africaine de développement (BAD, 2021) : Rapport sur l’économie créative en Afrique.
  3. Fonds Africain pour la Culture (2020) : Mobilité des artistes en Afrique : enjeux et solutions.
  4. Africa Visa Openness Index (2022) : État des visas intra-africains et impact sur l’économie.
  5. UNCTAD (2020) : Commerce des biens culturels en Afrique.

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