Date Archives décembre 2015

L’Afrique s’invite dans la course mondiale à l’intelligence artificielle

Dans la compétition mondiale pour dominer l’intelligence artificielle (IA), les projecteurs sont rivés sur les États-Unis et la Chine, qui se livrent un duel de titans à coups de milliards. Pourtant, à l’ombre de ces géants, un outsider inattendu se fait une place dans l’arène : l’Afrique. Oui, ce continent souvent relégué aux stéréotypes de l’aide humanitaire et du sous-développement technologique fait aujourd’hui vibrer les radars de l’innovation avec ses propres solutions d’IA. Et croyez-moi, les Américains et les Chinois feraient bien de prêter attention.


Les Big Boys : États-Unis et Chine jouent aux surenchères

D’un côté, les États-Unis, avec leur machine à cash bien huilée. OpenAI, Google, Microsoft – vous connaissez leurs noms. Ces entreprises attirent les cerveaux les plus brillants comme des papillons vers une lumière ultraviolette. Le gouvernement américain injecte 500 milliards de dollars pour asseoir sa domination, avec un projet spectaculaire : un centre de données gigantesque au Texas. C’est tout simplement Hollywood version tech.

De l’autre côté, la Chine. Ce pays n’a jamais fait dans la demi-mesure, et son ambition est limpide : dépasser les États-Unis. Leur arme secrète ? DeepSeek, une start-up qui rivalise déjà avec les géants américains. Soutenue par le gouvernement, la Chine s’est fixé une deadline ambitieuse : être numéro un mondial de l’IA d’ici 2030. Et ils ne bluffent pas.


L’Europe : Trop de discussions, pas assez d’actions

Pendant ce temps, l’Europe fait ce qu’elle sait faire de mieux : discuter. Certes, son AI Act, adopté en 2024, est un modèle d’éthique. Bravo, l’Europe est le prof qui rappelle qu’il faut respecter les règles du jeu. Mais pendant qu’elle s’applaudit pour son cadre législatif, les Américains et les Chinois continuent de jouer, eux. Le résultat ? L’Europe se retrouve à regarder la compétition depuis les gradins.


Et l’Afrique dans tout ça ? L’innovation frugale au service du continent

Là où l’histoire devient intéressante, c’est quand l’Afrique entre dans le match. Pas avec des milliards, mais avec des idées. Car le continent ne cherche pas à rivaliser avec les budgets astronomiques des superpuissances, mais plutôt à résoudre des problèmes concrets.

Agriculture et environnement : Les vraies priorités

Prenez Zenvus, une start-up nigériane qui aide les agriculteurs à analyser leur sol pour maximiser les rendements. Ou encore M-Situ, au Kenya, qui utilise l’IA pour lutter contre la déforestation en détectant les bruits de tronçonneuses et les incendies. Pendant que certains fantasment sur des voitures autonomes, l’Afrique s’attaque à la faim et à la préservation de ses ressources naturelles. Priorités, non ?

Santé et éducation : Là où ça compte

Le Rwanda n’est pas seulement un exemple de développement, il devient aussi un pionnier en IA. Avec Ircad Africa, le pays forme des médecins à des techniques de chirurgie de pointe grâce à l’intelligence artificielle. Et au Ghana, SuaCode rend l’apprentissage de la programmation accessible à tous avec… un simple smartphone. Pendant que la Silicon Valley vend ses gadgets à 1 000 dollars, l’Afrique joue la carte de la démocratisation.


Les langues africaines : La culture entre dans la danse

Et que dire des langues africaines ? En 2024, Google Traduction a intégré 31 nouvelles langues africaines, dont le wolof et le baoulé. Une avancée qui montre que l’IA peut aussi être un outil de préservation culturelle. Car oui, l’Afrique ne veut pas seulement rattraper son retard, elle veut le faire à sa manière, en mettant ses cultures et ses besoins au centre.


La morale de l’histoire : Une révolution silencieuse

Alors, que nous apprend cette montée en puissance de l’Afrique ? Que l’innovation ne se mesure pas uniquement en milliards de dollars ou en nombre de brevets déposés. Elle se mesure aussi à l’impact réel sur la vie des gens. Et dans ce domaine, l’Afrique a des leçons à donner.

La course à l’IA n’est pas une simple bataille technologique. C’est une lutte pour définir à quoi ressemblera notre futur. Pendant que les géants s’affrontent à coups de supercalculateurs et de budgets pharaoniques, l’Afrique prouve qu’elle peut être un acteur clé en jouant selon ses propres règles. Les États-Unis et la Chine feraient bien d’arrêter de regarder par-dessus l’épaule du continent et de prêter attention à ce qui s’y passe. Parce que, croyez-moi, cette révolution africaine, silencieuse mais percutante, ne fait que commencer.

Faut-il se préparer à une dévaluation du FCFA ?

Tribune rédigée en 2022, alors que circulaient des rumeurs de dévaluation du FCFA

Depuis quelques semaines, une rumeur de « dévaluation subtile » du FCFA s’est propagée, suscitant curiosité et inquiétude sur les réseaux sociaux. L’argument principal avancé par les tenants de cette thèse est le suivant : la hausse continue et généralisée des prix sur les marchés, ainsi que la perte du pouvoir d’achat au Cameroun (et dans les autres pays utilisant le FCFA), seraient les conséquences d’un mécanisme visant à dévaluer insidieusement le FCFA.

À première vue, ce raisonnement paraît cohérent : en quelques mois, le prix de nombreux produits de première nécessité a considérablement augmenté. L’exemple le plus parlant est celui de l’huile raffinée, dont le litre, selon les rumeurs, est passé d’environ 1000 FCFA à 1800 FCFA. Par conséquent, avec le même budget de 10 000 FCFA, un ménage ne peut plus acheter que 5 bouteilles d’huile aujourd’hui contre 10 auparavant. Les Camerounais travaillent toujours autant – voire davantage – mais leur pouvoir d’achat diminue, ce qui s’apparente à une dévaluation de facto de la monnaie.

Pourtant, il est important de rappeler que, techniquement, la dévaluation consiste en une baisse officielle de la valeur d’une monnaie par rapport aux autres devises, décidée par l’institution en charge de sa gestion. Dans le cas du FCFA, aucune décision officielle n’a été prise par les États membres de la BEAC. On ne peut donc pas parler de dévaluation à proprement parler. On pourrait éventuellement évoquer une dépréciation, mais celle-ci concerne habituellement les monnaies en régime de change flottant, ce qui n’est pas le cas du FCFA.

La hausse généralisée des prix et la perte de pouvoir d’achat s’expliquent davantage par l’inflation galopante, qui touche également l’euro, et ce depuis la crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine.

Un bref rappel historique sur la dévaluation du FCFA

Le FCFA a été créé en 1948 pour les colonies françaises d’Afrique et était arrimé à l’ancien franc français (FF) avec une parité fixe. Jusqu’en janvier 1994, le taux de change s’établissait à 50 FCFA pour 1 FF (environ 280 FCFA pour 1 dollar US). Après la dévaluation de 1994 et le passage de la France à l’euro, cette parité est désormais de 655,957 FCFA pour 1 EUR. Cette première dévaluation officielle était une réponse à la crise économique et financière des pays membres, dont le Cameroun, frappé de plein fouet par la chute de ses exportations agricoles et pétrolières.

Aujourd’hui, l’économie camerounaise n’est pas au meilleur de sa forme, mais elle n’est pas en situation catastrophique justifiant une dévaluation. Malgré les baisses du cours du pétrole en 2015, les crises sécuritaires, sociales et politiques de 2016 et 2018, ainsi que le Covid-19 et la guerre en Ukraine, le Cameroun a maintenu un taux de croissance positif (0,7%). Le pays est parvenu à diversifier davantage son économie, et l’inflation reste, pour l’instant, sous le seuil communautaire imposé par la BEAC (c’est également le cas pour la majorité des autres pays de la zone). D’un strict point de vue économique, il est donc difficile de parler d’une dévaluation, même « subtile ».

Les arguments géopolitiques

D’autres évoquent un argument « géopolitique » : les pays utilisant le FCFA subiraient des pressions pour rembourser leur dette extérieure en devises à ceux qui orchestreraient cette dévaluation. Or, le FCFA étant arrimé à l’euro, rembourser une dette en euros revient à rembourser la dette en FCFA en valeur relative. Une dévaluation « subtile » n’aurait donc pas d’impact spécifique sur le service de la dette libellée en euros.

En revanche, la dépréciation de l’euro (et donc du FCFA) face au dollar alourdit le coût des dettes libellées en dollar. En 2022, le dollar a atteint un niveau historiquement élevé face au FCFA, rendant plus onéreux le remboursement des dettes contractées dans cette monnaie. L’euro subit lui aussi cette dépréciation, ce qui affecte la capacité des Européens à honorer certains de leurs engagements financiers. Des monnaies comme le yuan chinois ou le rouble russe se sont, quant à elles, appréciées face à l’euro, ce qui rend les échanges (et le remboursement des dettes) plus coûteux pour les pays africains.

Selon un rapport du ministère des Finances camerounais, en 2019, 76,3% de la dette publique du pays était libellée en devises, dont 29,4% en euros. À l’intérieur de ce portefeuille se trouvent également des dettes en dollars américains et en yuan chinois, certaines estimations accordant à la Chine plus de 50% de la dette bilatérale du Cameroun.

Qu’en est-il de la parité fixe ?

La véritable question soulevée par ces rumeurs pourrait donc être la suivante : la parité fixe du FCFA par rapport à l’euro reflète-t-elle toujours la réalité et le potentiel économique des pays de la zone franc ? Face à la résilience dont ces pays ont fait preuve lors des récentes crises, il est légitime de s’interroger sur l’opportunité de conserver cette arrimée ou d’envisager d’autres modalités de gestion de la monnaie.


Version originale de l’article disponible ici : https://ecomatin.net/faut-il-se-preparer-a-une-devaluation-du-fcfa2

CFA franc: Rumors of a ‘Subtle’ Devaluation—Myth or Reality?

Tribune written in 2022, at the time rumors were circulating about an FCFA devaluation

For the past few weeks, rumors of a “subtle” devaluation of the FCFA have been spreading, generating both curiosity and fear on social media. According to those who support this thesis, the continued rise in market prices and the loss of purchasing power in Cameroon (and in other FCFA-using countries) would be the result of a strategy aimed at insidiously devaluing the FCFA.

At first glance, this reasoning appears plausible: in just a few months, the price of many staple goods has risen significantly. The most frequently cited example is refined cooking oil, with the liter allegedly going from around 1000 FCFA to 1800 FCFA. Consequently, with a budget of 10,000 FCFA, a household can now only afford 5 bottles of oil instead of 10. Cameroonians continue to work just as much — if not more — yet their purchasing power is declining, which seems to suggest a de facto devaluation of the currency.

However, it is crucial to recall that, from a technical standpoint, devaluation is defined as a decision by the institution responsible for managing a currency to reduce its official exchange rate relative to other currencies. In the case of the FCFA, no such official decision has been made by the member states of the BEAC. We therefore cannot speak of a “devaluation” in the strict sense. It might be more appropriate to refer to a “depreciation,” but this typically applies to currencies under a floating exchange regime, which is not the case with the FCFA.

The generalized price increase and the loss of purchasing power can instead be attributed to rampant inflation, which has also affected the euro since the onset of the Covid-19 crisis and the war in Ukraine.

A brief historical overview of FCFA devaluation

The FCFA was created in 1948 as a common currency for French African colonies, with a fixed parity to the former French franc (FF). Until January 1994, the official rate stood at 50 FCFA to 1 FF (approximately 280 FCFA to 1 US dollar). Following the 1994 devaluation and France’s adoption of the euro, the parity was set at 655.957 FCFA to 1 EUR. This first official devaluation was implemented as a response to the economic and financial crisis affecting member countries, including Cameroon, which had been hit hard by the downturn in its agricultural and oil exports.

Today, the Cameroonian economy is not at its peak, but it is not in a crisis severe enough to justify a devaluation. Despite declining oil prices in 2015, security, social, and political crises in 2016 and 2018, as well as the Covid-19 pandemic and the effects of the war in Ukraine, Cameroon still maintained a positive growth rate of 0.7%. The country has successfully diversified its economy, and inflation remains below the community threshold set by the BEAC (the same holds true for most other countries in the zone). From a strictly economic viewpoint, it is therefore difficult to speak of a “subtle” devaluation.

The geopolitical argument

Others put forward a “geopolitical” argument: that there are hidden interests prompting FCFA-using states to pay off their external debts to those supposedly orchestrating the devaluation. However, as the FCFA is pegged to the euro, repaying debt in euros is, in relative terms, equivalent to repaying it in FCFA. A so-called “subtle” devaluation would have no specific effect on servicing euro-denominated debt.

On the other hand, the depreciation of the euro (and thus the FCFA) against the dollar makes dollar-denominated debts more expensive to repay. In 2022, the dollar reached a historically high level against the FCFA, making it costlier for Cameroonians to settle debts in USD. The euro has also experienced depreciation, reducing the ability of Europeans to meet some of their financial obligations. Meanwhile, currencies such as the Chinese yuan or the Russian ruble have gained value against the euro, thus raising the cost of transactions (and debt repayment) for many African countries.

According to a report from Cameroon’s Ministry of Finance, in 2019, 76.3% of the country’s public debt was denominated in foreign currencies, including 29.4% in euros. This portfolio includes debt in US dollars and Chinese yuan, and some estimates suggest that China holds more than 50% of Cameroon’s bilateral debt.

What about the fixed parity?

Thus, the real question behind these rumors might be: does the FCFA’s fixed parity with the euro still reflect the actual situation and economic potential of the franc zone countries? Given the resilience shown by these countries during recent crises, it may be worth re-examining the usefulness of maintaining this peg or considering alternative currency management arrangements.


Dany R. Dombou, Cameroonian economist

Original version of the article available here: https://ecomatin.net/faut-il-se-preparer-a-une-devaluation-du-fcfa2

African Creative Industries: The Untapped Goldmine

There’s something ironic about the state of Africa’s cultural and creative industries (CCIs). While African artists dominate global stages—Burna Boy headlining festivals, Nollywood captivating millions of viewers, and fashion designers lighting up runways from Paris to New York—the continent accounts for just 1% of the global CCI economy. Yes, 1%, in a market worth $2.3 trillion. Let that sink in for a moment.

Yet, a glimmer of hope emerges. The African Export-Import Bank (Afreximbank) recently announced a $2 billion annual fund to boost African CCIs over the next three years. It’s a bold move, but will it be enough to unlock the sector’s full potential?

In this article, we’ll dive into the promises and challenges of this burgeoning industry, blending current events, theory, and real-world cases.


A Promising Yet Underperforming Sector

When we talk about African CCIs, the usual suspects come to mind: music, film, fashion, and gaming. These sectors are brimming with potential, driven by a young, dynamic, and hyper-creative population. Yet, the reality is often far less glamorous. Despite their talent, many African creatives struggle to make a sustainable living.

Take Nollywood, for example, the world’s second-largest film industry by volume. It produces an impressive 2,500 films per year, but its ecosystem is plagued by distribution challenges, rampant piracy, and a dire lack of modern infrastructure. As a result, its revenues fall far short of its potential.


Investments Alone Won’t Solve Everything

Afreximbank’s announcement is undoubtedly a step in the right direction. A fund of this scale has the potential to transform the sector. But let’s ask the critical question: is money alone enough to fix decades of underinvestment?

Challenge 1: Infrastructure gaps. Across Africa, modern production and distribution facilities are scarce. Many artists must travel abroad to access professional studios, and filmmakers often struggle to bring their visions to life with limited resources.

Challenge 2: Weak legal frameworks. Creators cannot thrive without robust protection of their intellectual property. Yet, copyright infringement is rampant across the continent, and public policies to regulate and support CCIs are often insufficient.

Challenge 3: Limited access to international markets. While African cultural products resonate globally, they often lack the distribution networks and institutional support needed to scale internationally.


Theoretical Insights: A Systemic Approach

Economic development theories emphasize that financial investment, while crucial, is insufficient on its own. A systemic approach is needed—one that combines funding with structural reforms.

UNESCO’s reports on CCIs highlight the importance of integrated cultural policies, which include:

  • Legal protections for creators,
  • Infrastructure development for production and distribution,
  • Training programs to build capacity across the value chain.

Without these foundational elements, even significant investments risk having only a short-term impact.


A Case Study: Gaming in Africa

The gaming sector is a compelling example of both the challenges and opportunities facing African CCIs. Studios like Kiro’o Games in Cameroon and Maliyo Games in Nigeria are pushing boundaries by creating games rooted in African narratives. The market is growing rapidly, with revenues projected to exceed $1 billion by 2024.

Yet, these studios face the same recurring obstacles: insufficient funding, limited access to skilled talent, and weak infrastructure. Despite these challenges, the gaming industry offers a glimpse of what’s possible when creativity meets technology. It demonstrates that Africa can become a major player in CCIs if the right conditions are in place.


Creative Africa: Talent Held Back

So, what’s the takeaway? African CCIs are bursting with talent and opportunity. But to transform this potential into sustainable economic and social development, investments must be coupled with structural reforms.

To truly unlock the potential of CCIs, we must:

  1. Invest in modern infrastructure for production and distribution.
  2. Establish robust legal frameworks to protect creators.
  3. Create pathways to access international markets.

Africa has an abundance of talent and creativity. With the right ecosystem, CCIs can become a powerful engine for growth, while showcasing the continent’s rich cultural heritage to the world.


Sources

  • Afreximbank: Announcement of the $2 billion fund for African CCIs, 2024
  • UNESCO: Reports on cultural and creative industries
  • Agence Ecofin: “African creative industries finally attract financing”
  • Forbes Africa: “The rise of African creative industries”
  • UNESCO and SFSIC: Studies on CCIs and development in Africa